Pourquoi les formations en leadership échouent et … que faire pour y remédier ?
Cet article est une synthèse d’un dossier paru dans le Harvard Business Review en octobre 2016 – Why leadership Training Fails – and what to do about it ?
L’article du HBR commence fort. Les organisations seraient victimes d’une énorme arnaque : les formations en leadership ! Les sociétés auraient dépensé 356 milliards de dollars en formation en 2015 sans en avoir reçu un retour satisfaisant !
A l’issue de ces programmes, les participants se déclarent satisfaits, les feedbacks peuvent être excellents mais …. Force est de constater que, lorsque l’on tente de mesurer concrètement les changements quelques temps plus tard, il devient extrêmement difficile de voir des traces durables de ces actions de formation.
Des managers interrogés mettent en cause de nombreuses barrières organisationnelles expliquant ce phénomène d’évaporation : manque de clarté stratégique, style de management top-down, aspects politiques de l’organisation, situations conflictuelles, impact prédominant du style de management qui n’évolue pas ou très peu, voire même, devient plus autoritaire encore qu’avant l’action de formation
Mais où est le problème ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?
De nombreux chercheurs ont souligné l’impact puissant des organisations sur les individus, sur leur manière de penser et de se comporter (Notamment, recherches de Seymour Lieberman – Institute for social Research at University of Michigan).
D’autres chercheurs (Amy Edmonson et Anita Wooley) ont mis en évidence que les programmes de formation nécessitent d’abord un « sol fertile » pour que leurs effets se fassent sentir sur l’organisation.
Ainsi, les effets peuvent être très différents d’une unité à l’autre au sein d’une même organisation. L’élément déterminant mis en évidence est le climat psychologique sécurisant qui y règne et qui permet aux employés de se sentir libres de s’exprimer.
Il ressort que l’influence des leaders dans une organisation détermine le succès des efforts de formation. Ce sont eux qui créent les conditions qui donnent envie à leur personnel d’appliquer ce qu’ils apprennent en formation ou non. Lorsque les leaders croient vraiment et pratiquent le style de leadership recommandé par les programmes de formation, alors seulement des changements durables ont lieu.
Mais si ce n’est pas le cas, les retours sur investissement sont très pauvres. La formation peut même créer une forme de cynisme des employés à l’égard du contenu et des futurs programmes de formation recommandés par leur hiérarchie.
Toute entreprise est un système interactif avec sa culture, son style de leadership, son organisation, sa structure. Si ce système n’évolue pas, une action de formation seule ne peut soutenir un changement durable au niveau des comportements et attitudes individuels.
L’incapacité à mettre en place une stratégie de changement culturel et organisationnel ne repose pas tant sur les individus mais bien plutôt sur les pratiques et les politiques instaurées par le management.
Ce sont ces pratiques et politiques qu’il convient de changer avant d’implémenter une action de formation d’envergure.
En fait, pour les responsables RH, il est plus facile de faire entendre aux leaders que le problème réside dans les mentalités et compétences des employés (et proposer une action corrective de formation pour y remédier) plutôt que de remettre en cause le système mis en place par le senior management de l’entreprise.
L’article révèle 6 barrières au changement dans les organisations :
- Des lignes stratégiques et des valeurs peu claires et qui provoquent souvent des conflits de priorité
- Les leaders ne forment pas vraiment une équipe entre eux et ne traduisent pas, dans leurs propres comportements, les changements culturels souhaités.
- Un style de leadership trop “Top-down”, ou, à l’inverse, “laissez-faire ».
- Une faiblesse générale dans l’organisation qui fait apparaître un manque de coordination entre les fonctions, les départements etc… .
- Trop peu de temps et d’attention consacré à la gestion des talents et des compétences
- La crainte des employés de révéler aux dirigeants les faiblesses qu’ils constatent dans l’organisation.
La plupart du temps, ces barrières agissent ensemble et rendent les programmes de formation inopérants et stériles. L’article évoque la peur de nommer ces barrières qui deviennent donc, des tueurs silencieux.
Les interviews confidentielles d’employés sont un facteur critique de réussite. Souvent, les leaders manquent d’objectivité et de recul pour évaluer l’impact et la pertinence des systèmes qu’ils mettent en place.
Alors, que faire ? Comment procéder pour que les formations soient fructueuses ?
Avant de recommander quels que programmes de formation que ce soit, il conviendrait de prendre un peu de recul et de parler sans tabou de la présence et de la puissance de ces barrières dans l’organisation.
Dans une entreprise pharmaceutique britannique, un CEO a organisé une Task Force pour conduire une série d’interviews. Il est clairement apparu que le déficit de formation n’était pas le problème. La faiblesse principale de l’organisation consistait dans le fait que l’entreprise n’avait pas de gestion coordonnée des compétences et des talents. Les managers gardaient les meilleurs employés dans leur département et transféraient les plus faibles ailleurs. Tant que ce problème systémique n’était pas résolu, il est apparu évident qu’il était inutile d’implémenter un programme de formation pour les managers.
L’approche de développement des talents préconisée dans l’article repose sur 6 étapes
- L’équipe de dirigeants définit clairement les valeurs et inspire la direction stratégique.
- Après avoir rassemblé diverses informations provenant des employés et managers, l’équipe de dirigeants établit un diagnostic précis des barrières à la bonne exécution de la stratégie.
- Un coaching day-to-day est établi ainsi qu’un processus permanent de consultation pour aider les individus à être plus effectif dans la nouvelle organisation.
- Un programme de formation est défini, si nécessaire.
- De nouvelles mesures de performances individuelles sont mises en place en fonction des changements comportementaux souhaités.
- Le système de sélection, d’évaluation de développement et de promotion des talents est ajusté en fonction des changements organisationnels.
Cet article plaide pour un « re-design » organisationnel avant la mise en place programmes de formations pour développer les compétences individuelles.
Voici trois questions-clés que le top management d’une entreprise devrait se poser avant de définir une stratégie de formation :
- Est-ce que l’équipe dirigeante est alignée autour d’une stratégie claire et des valeurs inspirantes ?
- L’équipe a-t-elle collecté les feedbacks de ses employés sur les obstacles et barrières au fonctionnement efficace et performant de l’entreprise ?
- En fonction de ce diagnostic, L’équipe a-t-elle mis en place des aménagements de l’organisation, des systèmes et des pratiques en vigueur ?
Cette synthèse a été réalisée par Jean-Pierre Vandenbroeck – Formateur-coach